C.G. Jung – Psychologie de l’inconscient
Il n’est d’énergie que là où existe une tension entre des contraires ; c’est pourquoi, pour la déceler, il faut chercher et trouver ce qui est en face de l’attitude consciente constitue le contraire et l’opposé. Il est intéresser de voir combien cette compensation par le contraste a joué également dans l’histoire des théories relatives à la névrose un rôle important ; la théorie de Freud met en avant la conception de l’Eros, celle d’Adler met en avant la puissance. Or, logiquement, l’opposé de l’amour est la haine, à l’Eros s’oppose Phobos (la crainte, la phobie) ; mais, psychologiquement, le contraire de l’amour est la volonté de puissance. Là où règne l’amour, la volonté de domination est absente, et là où la puissance prime, l’amour fait défaut. L’amour et la volonté de puissance sont l’ombre l’un de l’autre : pour l’individu qui se voue à l’amour, la volonté de puissance est la compensation inconsciente, pour quiconque aspire à la puissance, ce sera inversement l’Eros. Dans la perspective unilatérale de l’attitude consciente, l’ombre apparait comme une constituante inférieure de la personnalité, et, en tant que telle, sera refoulée par les violentes résistances qu’elle suscite.
Or, les contenus psychiques refoulés doivent devenir conscients afin que se crée entre les contraires une tension, sans laquelle cesserait la perpétuation du mouvement vital. La conscience, en quelque sorte, si on nous permet une image, se tient en haut, l’ombre, en bas, et comme ce qui est en haut cherche toujours ce qui est en bas, de même que le chaud cherche à s’équilibrer avec le froid, chaque conscience cherche, sans peut-être le savoir, son contraire inconscient, sans lequel elle est condamnée à la stagnation, à l’ensablement et à la pétrification. Ce n’est que du heurt des contrastes que jaillit la flamme de la vie.
C.G. Jung – Psychologie de l’inconscient (Georg Editions)