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Carnets d'une psychexploratrice autodidacte
20 octobre 2019

C.G. Jung – Psychologie et Alchimie

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Une attitude dans laquelle la projection religieuse est exclusive et poussée à l’extrême peut dépouiller l’âme de ses valeurs, de sorte que celle-ci souffre d’inanition, n’est plus en état de se développer et reste embourbée dans un état inconscient. En même temps, elle succombe à l’illusion que la source des maux réside à l’extérieur, de sorte qu’on ne se demande même plus comment et dans quelle mesure on y contribue soi-même. L’âme semble alors tellement insignifiante qu’on a peine à l’estimer capable de mal, encore moins de bien. Mais quand l’âme n’y participe plus, la vie religieuse se fige en superficialité et en formalisme. Qu’on se représente comme on voudra la relation entre Dieu et l’âme, une chose est certaine : l’âme ne peut pas être un « rien que » ; au contraire, elle a la dignité d’une entité à laquelle il est donné d’être consciente d’une relation avec la divinité. Même si ce n’était là que la relation d’une goutte d’eau avec la mer, cette mer elle-même n’existerait pas sans la multitude de gouttes. L’immortalité de l’âme établie par le dogme l’élève au-dessus de la nature passagère et périssable de l’homme corporel et la fait participer à une qualité surnaturelle. Elle surpasse ainsi de beaucoup en signification l’homme conscient et mortel, de sorte qu’il devrait être impossible au chrétien de considérer l’âme comme un « rien que ».

L’âme est à Dieu ce que l’œil est au soleil. Comme notre conscience n’englobe pas l’âme, il est ridicule de parler des choses de l’âme sur un ton protecteur ou péjoratif. Le chrétien croyant lui-même ignore les voies secrètes de Dieu et doit s’en remettre à lui quant à savoir s’il va agir sur l’homme de l’extérieur ou de l’intérieur, à travers son âme. Ainsi, le croyant ne saurait contester qu’il y a des somnia a Deo missa (des rêves envoyés par Dieu) et des illuminations de son âme qui ne peuvent être ramenées à aucune cause extérieure. Ce serait blasphémer qu’affirmer que Dieu peut se révéler partout sauf précisément dans l’âme humaine. En fait, l’intimité de la relation entre Dieu et l’âme exclue d’emblée toute dépréciation de cette dernière. Ce serait peut-être aller trop loin que de parler d’affinité mais, en tout cas, l’âme doit posséder en elle-même une faculté de relation avec Dieu, c’est-à-dire une correspondance à ou avec l’essence de Dieu, sans laquelle une relation ne pourrait jamais s’établir. En langage psychologique, cette correspondance est l’archétype de l’image de Dieu.

Tout archétype est susceptible d’un développement et d’une différenciation infinis. Il peut, par conséquent, être plus ou moins développé. Dans une religion où la forme extérieure prédomine, où tout l’accent est mis sur la figure extérieure (lorsque nous avons affaire, par conséquent, à une projection plus ou moins complète), l’archétype est alors identique aux représentations extérieures mais reste inconscient comme facteur psychique. Quand un contenu inconscient est à ce point remplacé par une image projective, il est coupé de toute participation à la vie de la conscience et de toute influence sur cette dernière. De ce fait, il se trouve largement amputé de sa part de vie, étant empêché d’exercer son influence naturelle sur la formation de la conscience. Qui plus est, il demeure dans sa forme originelle, inchangé, car rien ne change dans l’inconscient. A partir d’un certain point, il présente même une tendance à régresser vers des niveaux plus profonds et plus archaïques. C’est pourquoi il peut fort bien se produire qu’un chrétien croyant à toutes les figures sacrées demeure sous-développé et inchangé au plus profond de son âme, parce qu’il a « tout Dieu dehors » et qu’il ne le rencontre pas dans son âme. Ses motivations décisives, ses intérêts et ses impulsions déterminants ne proviennent en aucune façon de la sphère du christianisme, mais de la psyché inconsciente et sous-développée qui demeure aussi archaïque et païenne que jamais.

Non seulement la vie individuelle, mais aussi la somme des vies des individus d’un peuple prouve la vérité de cette affirmation. Les grands événements de notre monde, tels que l’homme les conçoit et les exécute, ne respirent pas l’esprit du christianisme mais bien davantage celui d’un paganisme sans fard. Cela provient d’une constitution psychique demeurée archaïque et qui n’a même pas été effleurée par le christianisme. (…) La civilisation chrétienne s’est révélée creuse à un degré terrifiant : elle n’est qu’un vernis extérieur ; l’homme intérieur est resté à l’écart et, par conséquent, inchangé. L’état de son âme ne correspond pas à la croyance qu’il professe. Le développement du chrétien en son âme n’est pas allé de pair avec son évolution extérieure. Extérieurement, tout est bien là, en images et en mots, dans l’Eglise et la Bible. Mais tout cela fait défaut au-dedans. A l’intérieur, ce sont les dieux archaïques qui règnent plus que jamais, c’est-à-dire que, du fait du manque de culture de l’âme, ce qui correspond intérieurement à l’image extérieure de Dieu est resté en jachère et, par conséquent, dans le paganisme. L’éducation chrétienne a fait tout ce qui était humainement possible, mais cela n’a pas suffi. Trop peu d’êtres ont vécu l’image divine comme la propriété la plus intime de leur âme.   

 

C.G. Jung – Psychologie et Alchimie (Buchet/Chastel éditions)

 

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  • Bienvenue ! Je partage ici les textes des auteurs phares de la psychologie des profondeurs qui éclairent et accompagnent mon exploration intérieure, ainsi quelques parcelles de mon expérience personnelle. Bonne lecture, Carine - Phalae
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