Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Carnets d'une psychexploratrice autodidacte
26 mars 2020

Aniela Jaffé - C.G. Jung et la voie des profondeurs

 

pierre bollingen

 

Au cours des dernières années, Jung passait trois semaines dans sa maison de Küsnacht et la quatrième dans la tour de Bollingen. Je m’y rendais alors tous les mercredis pour le travail. Le lien intime de Jung avec la nature s’y manifestait d’une tout autre manière qu’à Küsnacht. Ce lien n’avait rien de commun avec une exaltation romantique : c’était chez lui un authentique enracinement dans sa terre, une communion avec le paysage environnant. Bollingen apportait par-dessus tout à Jung une chose : le silence. Jung était un grand silencieux, de même qu’à d’autres moments il était un conteur intarissable. Les deux se complétaient. La plongée dans une introversion profonde était pour lui une nécessité vitale. C’est d’elle que jaillissaient les forces secourables et vivifiantes. Les pensées créatrices prenaient forme dans le silence intérieur et extérieur. Jung aimait particulièrement écrire dans sa tour. Les simples occupations rustiques constituaient la récréation ; elles lui faisaient du bien, de même que l’absence d’obligation et d’étiquette.

En arrivant à Bollingen, j’entendais souvent de loin le bruit du marteau et du ciseau avec lesquels Jung travaillait la pierre. Les thèmes de ces reliefs s’étaient imposés à lui de façon surprenante. La surface brute des grosses pierres de taille de la maison lui montrait des figures, comme on en découvre dans les nuages ou les taches d’encre, et  leur contour devenait le schéma d’un relief qu’il se mettait aussitôt à sculpter. On y voyait la tête rieuse du trickster auquel Jung trouvait une ressemblance avec Balzac, ou une forme féminine nue tendant les mains vers une jument – « Pégase », expliquait-il faisant allusion à la constellation de Pégase qui accompagne le signe du Verseau. A côté apparaissait un ours avec une boule, et aussi un serpent. Ainsi la pierre vivait.

(…)

Un jour pendant que je rassemblais mes affaires pour repartir, je vis à mon grand étonnement Jung se baisser et regarder le lac d’en bas, comme font les enfants quand ils veulent voir « le monde à l’envers ». Là-dessus il m’invita à l’imiter. Je n’étais guère en humeur de le faire, pourtant je m’exécutai et je vis à mon tour le paysage renversé. Et Jung de s’étendre sur la construction de l’œil. Il revenait souvent sur les raisons pour lesquelles une telle « vision à l’envers » permettait de percevoir les choses plus justement et mieux. Sur ce il s’éloigna et disparut dans son échoppe, près de la tour. Il me fallut quelques temps pour déchiffrer le message transmis par ce jeu de gestes.

 

Aniela Jaffé - C.G. Jung et la voie des profondeurs (La Fontaine de Pierre)

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Carnets d'une psychexploratrice autodidacte
Publicité
Carnets d'une psychexploratrice autodidacte
  • Bienvenue ! Je partage ici les textes des auteurs phares de la psychologie des profondeurs qui éclairent et accompagnent mon exploration intérieure, ainsi quelques parcelles de mon expérience personnelle. Bonne lecture, Carine - Phalae
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Newsletter
Archives
Publicité