Marie-Louise Von Franz - L'individuation dans les contes de fées

Certaines personnes dessinent spontanément des figures géométriques centrées (mandalas) ; d’après ces dessins et leurs imaginations actives, on a le sentiment qu’elles « habitent » bien ce mandala. On pourrait penser dès lors que la croissance de cette  image du noyau intérieur de la personnalité se développera à la façon d’un arbre, un anneau s’ajoutant à l’autre, ou bien que le sujet reprendra plus tard la même structure en la complétant et en la différenciant. Or, il n’en est rien : la forme existante est complètement détruite, puis rebâtie. Tout se passe comme si la nature, après avoir élaboré un certain modèle de totalité, devait le défaire entièrement avant de pouvoir reconstruire à la place un ensemble plus différencié. Il ne s’agit pas d’un simple processus additif, mais d’un rythme complexe.

Lorsqu’un grand progrès de conscience se prépare, l’inconscient commence généralement par tout défaire, de sorte que celui qui s’est engagé dans cette voie peut avoir le sentiment que rien n’a été construit, que tout est mis à bas et perdu à nouveau : on se demande si l’on a jamais réalisé quoi que ce soit, si l’on a jamais atteint une certaine relation harmonieuse avec soi-même, car on se sent, une fois de plus, retombé dans l’état où l’on était avant de commencer le travail intérieur. Il est important de savoir qu’il s’agit là d’un processus tout à fait normal ; de plus, cette condition dépressive n’est pas réellement une régression, car on ne réagit pas de la même manière face à la vie que par le passé, et le dissociation, pour profonde qu’elle soit, est moins durable et, si elle est bien comprise, permet au centre psychique de se construire un nouvel équilibre plus large que par le passé.

Marie-Louise Von Franz – L’individuation dans les contes de fées (La Fontaine de Pierre)