André Nataf - Le monde de...Jung

Science de l’âme :

« Ma contribution personnelle à la thérapeutique dit Jung, s’insère là où, le traitement cessant, le développement commence » (La guérison psychologique). Jung précise ainsi que l’originalité de sa méthode est de vouloir dépasser la simple pratique médicale pour aider le patient à évoluer vers plus de sagesse. Cela n’est pas toujours une nécessité. Certains malades n’ont pas besoin d’aller jusque-là. Mais parfois « la thérapeutique, bon gré mal gré, doit s’orienter selon les données irrationnelles du malade. Ici il nous faut prendre la nature pour guide et ce que le médecin fait alors est moins un traitement qu’un développement des germes créateurs du malade ».

Jung veut sortir la psychanalyse du ghetto médical dans laquelle on la cantonne. Il désire en faire une véritable « science de l’âme ». L’important n’est pas d’aider le malade à exercer sa profession ou à se marier, la psychologie moderne a pour tâche « d’aider le sujet à trouver sa raison d’être ». Car, même en cas d’état pathologique, « c’est justement dans la névrose que se trouvent, comme dans une gangue, les valeurs dont manque l’individu » (Psychologie de l’inconscient).

Acquérir la sagesse, c’est se restituer au cœur d’un processus naturel de maturation afin, selon les mots de Goethe, de « devenir ce que l’on est ». La question se pose surtout à partir du midi de la vie. L’homme jeune – disons jusqu’à 35 ans – peut, sans grave dommage, se passer de l’âme. N’a-t-il pas dû s’arracher à sa mère ? Mais il lui faudra ensuite faire un retour à la vie intérieure qu’il a peut-être rejetée. « Après qu’on ait franchi le milieu de la vie, l’âme subit une étonnante modification que l’on pourrait considérer comme un renversement d’orientation psychique… Quand il s’agit d’esprits de valeur, la modification prend la forme d’une métamorphose de l’intellect en une sorte de spiritualité, spéculative ou intuitive » (Problèmes de l’âme moderne).

La sagesse est un art de vivre. « N’oublions pas, dit Jung, que très peur d’hommes sont des artistes de la vie »… « Trop de choses restent que beaucoup d’hommes n’ont pas vécues, qu’ils n’auraient même pas pu vivre avec la meilleure volonté du monde, de sorte qu’ils arrivent au seuil de la vieillesse, remplis de prétentions non réalisées qui les forcent à tourner involontairement leurs regards vers le passé » (Problèmes de l’âme moderne).

Sagesse et folie coexistent dans l’anima. La magna mater – la Grande Mère – est dépositaire d’une « sagesse naturelle », et le vieux Sage véhicule la « sagesse de l’esprit ». « La sagesse est une découverte à faire dans le monde intérieur, elle est inscrite dans la structure de l’âme individuelle dont elle fait la force » (C. Baudoin). La maturation résulte d’une conquête individuelle, mais elle est, en son fond ultime, un processus involontaire parce que naturel. La guérison psychologique – encore une fois – c’est de se remettre sur ce chemin.

Dans une perspective « la psychonévrose est une souffrance de l’âme qui n’a pas trouvé son sens ». Que cette souffrance soit due à une perte de spiritualité – « ce qui est, bien entendu, absolument sans rapport avec toute question de confession ou d’appartenance à une Eglise » –, cela le patient doit le découvrir tout seul. En prenant conscience de l’ « enfant intérieur ». Cet « enfant intérieur » que la plupart des parents poursuivent dans leurs enfants réels en cherchant à se réaliser à travers eux. Certains rêves qui mettent en scène un enfant désignent l’enfant réel sur le plan de l’objet mais ils expriment sur le plan du sujet l’enfant intérieur, c’est-à-dire la naissance de la personnalité nouvelle.

André Nataf – Le monde de…Jung (Ma Editions)