C.G. Jung – Entretiens avec Richard Evans

R. Evans : Pourriez-vous donner l’exemple d’une différence entre un intuitif extraverti et un intuitif introverti ?

C.G. Jung : Vous avez choisi un exemple difficile parce que le cas le plus compliqué est celui de l’intuitif introverti. L’intuitif extraverti, vous le rencontrez chez les banquiers, les joueurs, etc., ce qui est bien compréhensible. Pour l’introverti, c’est plus difficile car il a des intuitions en ce qui concerne la subjectivité, c’est-à-dire le monde intérieur, et c’est plus difficile à saisir car il voit des choses très particulières, des choses dont on n’aime pas parler à moins d’être stupide. S’il parle, il va se discréditer parce que les gens ne vont pas le comprendre.

Si l’introverti intuitif disait ce qu’il perçoit réellement, personne ne le comprendrait. Aussi ces sujets apprennent-ils à garder ces choses pour eux. Vous les entendrez rarement en parler. D’un côté c’est un grand inconvénient, mais par ailleurs il vaut mieux qu’ils ne parlent pas de leurs expériences, qu’elles soient intérieures ou qu’elles concernent leurs relations humaines. Par exemple, en présence de quelqu’un qu’il ne connaisse absolument pas, ils peuvent avoir des images intérieures. Et ces images peuvent leur donner une grande quantité d’informations sur la personne qui est en leur présence. C’est une chose qui arrive très souvent. Ils connaissent tout à coup un événement important de la vie de cette personne et s’ils ne le gardent pas pour eux, en le racontant ils mettent le feu aux poudres. Ainsi l’intuitif introverti n’a pas la vie facile. C’est une personnalité très intéressante, mais il n’est pas facile d’entrer dans son intimité.

Extrait du livre "Entretiens avec Carl Gustav Jung" par Richard Evans (Petite Bibliothèque Payot)

Ce livre est issu d’entretiens que Richard Evans, professeur de psychologie à l’université d’Houston, a eus avec C.G. Jung à Zurich en 1961, peu de temps avant la mort de celui-ci.