C.G. Jung – L'Âme et la vie
Si, chez un individu, l’état de conscience se transforme considérablement, les contenus ainsi constellés de l’inconscient se transforment également. Et plus la situation consciente s’est éloignée d’un certain point d’équilibre, plus seront significatifs et, selon le cas, plus seront dangereux les contenus inconscients en quête d’équilibre. Il en résulte finalement une dissociation : d’une part, la conscience de soi tente désespérément de secouer un adversaire invisible et, d’autre part, elle est soumise dans une mesure toujours croissante à la volonté tyrannique d’un contre-gouvernement intérieur qui présente tous les traits d’une sous-humanité, ou d’une surhumanité démoniaque. Si quelques millions d’hommes en arrivent à cet état, il en résulte une situation d’ensemble dont nous prenons connaissance, depuis quelques dizaines d’années, par la leçon quotidienne que nous donnent les faits. Ces événements contemporains, dans toute leur originalité, traduisent leurs arrière-plans psychologiques. La folie de destruction et de dévastation est la réaction de la conscience s’éloignant de sa position d’équilibre. Car il existe un équilibre entre le moi et le non-moi psychique, une « religio », c’est-à-dire une sérieuse prise en considération des « puissances » inconscientes présentes, que l’on ne saurait négliger sans danger. Cette transformation est préparée déjà depuis des siècles par suite du changement de la situation consciente de l’humanité.
Rien n’est plus propre à provoquer conscience et éveil qu’un désaccord avec soi-même. On ne pourrait imaginer absolument aucun autre moyen plus efficace pour faire sortir toute une humanité de l’état de demi-sommeil sans responsabilité et sans péché pour la conduire à un état de consciente responsabilité.
C.G. Jung – L’Âme et la Vie (Le livre de poche)