Marie-Louise Von Franz – L’individuation dans les contes de fées

Comme le dit saint Paul : « Là où la faute a abondé, la grâce a surabondé. » Ce thème archétypique se rencontre non seulement dans notre contexte religieux, mais dans les contes populaires et dans d’innombrables mythes de toutes origines. Il montre le héros commettant une erreur qui, sur le moment, a un aspect catastrophique, mais, à plus long terme, se révèle positif. Si l’on envisage une évolution intérieure dans son ensemble, on s’aperçoit, après coup, que les fautes et les erreurs approfondissent la quête et la font progresser.

C’est un phénomène devant lequel on se retrouve constamment au cours du processus individuel de réalisation de la conscience, et c’est une des raisons pour lesquelles une thérapie peut être courte ou longue : certaines personnes se sortent rapidement de leurs difficultés, tandis que d’autres restent des années captives de problèmes apparemment moins graves. Une « guérison » rapide est une chose très ambiguë, car les personnes qui ont obtenu promptement ce qu’elles désiraient retournent à leur état d’inconscience après n’avoir assimilé que très peu de ce que leur psyché leur proposait.

En d’autres termes, il y a des gens qui, par nature, sont superficiels, et d’autres qui ont une personnalité plus profonde. Certains peuvent avoir un rêve important qui, lorsqu’ils l’ont compris, changent leur attitude consciente et, du même coup, guérissent le symptôme qui leur avait fait entreprendre une analyse ; ils se contentent de vous payer et de vous remercier et n’y pensent plus ou très rarement. Il y a par contre des êtres, qui, devant une situation analogue, en sont émus et se demandent comment ils se trouvent guéris et ce qui a bien pu les changer. Ils ont besoin de comprendre et creuser ce qui leur est arrivé ; ils se posent des questions, et sont ainsi conduits à déterrer des problèmes plus profonds. Des rêves peuvent aussi venir qui leur disent : « Oui, très bien, tel ou tel handicap t’est retiré, tu vis mieux, mais as-tu atteint le fond de ta question ? N’y a-t-il pas tel et tel développement dans ta vie qui ne demanderait qu’à lui donner davantage d’intérêt, de saveur et de sens ? Ne vois-tu pas que tu as un surplus d’énergie qui cherche à trouver son cours ? » C’est ainsi qu’un nouveau tour de spirale de l’individuation peut se mettre en route et conduire à de nouvelles épreuves et à de nouvelles découvertes.

Marie-Louise Von Franz – L’individuation dans les contes de fées (La Fontaine de Pierre)