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Carnets d'une psychexploratrice autodidacte
13 janvier 2018

C.G. Jung - Dialectique du moi et de l'inconscient

 

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Il nous faut élever ce dialogue avec l'anima à la hauteur d'une véritable technique. Chacun, on le sait, a la particularité et aussi l'aptitude de pouvoir converser avec lui-même. La psyché n'étant en rien une unité, mais étant faite d'un assemblage de complexes contradictoires, nous n'avons guère de peine à réaliser la dissociation nécessaire à la confrontation dialectique avec l'anima. Tout l'art de ce dialogue intime consiste à laisser parler, à laisser accéder à la « verbalisation » le partenaire invisible, à mettre en quelque sorte à sa disposition momentanément les mécanismes de l'expression, sans nous laisser accabler par le dégoût que l'on ressent naturellement vis-à-vis de soi-même au cours de cette procédure qui semble un jeu d'une absurdité sans limite, et sans non plus succomber aux doutes qui nous assaillent à propos de "l'authenticité" des paroles de l'interlocuteur intérieur.

Précisément, ce dernier point est techniquement important : nous sommes tellement habitués à nous identifier à la pensée qui sourd en nous que nous supposons toujours implicitement que nous l'avons fabriquée. Si nous avions davantage conscience des lois universelles et rigides auxquelles sont soumis tout aussi bien les fantasmes les plus échevelés et les plus extravagants, nous serions mieux en mesure de considérer ces contenus mentaux comme des discours objectifs, un peu comme des rêves, dont on ne prétend tout de même pas qu'ils sont des trouvailles volontaires et intentionnelles.

Certes, il faut faire preuve d'une objectivité et d'une absence de préjugés peu communes pour tenter de donner à « l'autre côté en soi-même » l'occasion d'une activité psychique perceptible. Etant donné la tendance habituelle qui pousse le conscient au refoulement, « l'autre côté » en était réduit, avant l'avènement de l'ère analytique, aux seules extériorisations et aux seules manifestations indirectes et symptomatiques, la plupart du temps de nature émotionnelle.
Ce n'était que dans les moments où un affect prenait le dessus que des bribes des contenus idéatifs ou imagés de l'inconscient faisaient surface. Il faut naturellement tenir compte de ces mécanismes de dévaluations et de négations si on aspire à une attitude objective.

L'habitude qu'a le conscient d'interrompre le cheminement des éléments intérieurs, de les corriger, de les critiquer et de les remanier est déjà traditionnellement très forte. Or, en règle générale, elle sera encore renforcée par la peur. Peur de découvertes dangereuses pour notre paresse et notre inertie, de constatations désagréables.

Nous sommes partis de la constatation que, au cours d'un affect, on livre souvent involontairement les vérités de « l'autre côté » ; c'est pourquoi il est indiqué d'utiliser ces moments d'émotion pour donner à « l'autre côté » l'occasion de s'exprimer. C'est pourquoi l'on pourrait dire qu'il faut se cultiver dans l'art de se parler à soi-même, au sein de l'affect, et d'utiliser celui-ci, en tant que cadre de dialogue, comme si l'affect était précisément un interlocuteur qu'il faut laisser se manifester, en faisant abstraction de tout esprit critique.

Mais, ceci une fois accompli, l'émotion ayant en quelque sorte jeté son venin, il faut alors consciencieusement soupeser ses dires comme s'il s'agissait d'affirmations énoncées par un être qui nous est proche et cher. Il ne faut d'ailleurs pas s'arrêter en cours de route, les thèses et les antithèses devant être confrontées les unes avec les autres jusqu'à ce que la discussion ait engendré la lumière et acheminé le sujet vers une solution satisfaisante. Pour ce qui est de cette dernière, seul le sentiment subjectif pourra en décider.

Naturellement, en pareil débat, biaiser avec soi-même et chercher des faux-fuyants ne nous serviraient de rien. Cette technique de l'éducation de l'anima présuppose une honnêteté et une loyauté pointilleuses à l'adresse de soi-même, et un refus de s'abandonner de façon prématurée à des hypothèses concernant les desiderata ou les expressions à attendre de « l'autre côté ».

Il nous faut nous arrêter encore à cette crainte que nous les occidentaux entretenons à l'égard de « l'autre côté ». Nous n'avons aucune difficulté à comprendre la peur de l'enfant ou du primitif devant les mystères du vaste monde. Or, c'est la même peur que nous éprouvons sur le versant intérieur de notre être. Ainsi, cette angoisse de « l'autre côté », nous l'éprouvons comme une émotion, comme un affect, sans nous douter qu'elle est la peur d'un monde, monde qui nous demeure invisible. Envers ce dernier, nous avons tout au plus ou de simples préjugés théoriques ou des représentations superstitieuses. Il faut bien avouer que la peur de « l'autre côté » est fondée dans la mesure où notre conception rationnelle des choses, avec ses sécurités morales et scientifiques, auxquelles on s'accroche avec tant de passion (précisément parce qu'elles sont douteuses), se trouve ébranlée par les données qui proviennent de « l'autre côté ».



C.G. Jung - Dialectique du moi et de l'inconscient (Folio)

 

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  • Bienvenue ! Je partage ici les textes des auteurs phares de la psychologie des profondeurs qui éclairent et accompagnent mon exploration intérieure, ainsi quelques parcelles de mon expérience personnelle. Bonne lecture, Carine - Phalae
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